Le verdict va tomber au soir du dimanche 20 juin. Il s’agit bien sûr du résultat du 1er tour des élections régionales. Ce résultat ne sera pas forcement très lisible : trop de régions, trop de configurations, trop d’inconnues dans cette grande équation, surtout si l’on en attend comme certains commentateurs, le nom du président de la République à élire en 2022. Je vous propose donc de simplifier la donne de façon radicale en ne retenant qu’une seule région – Auvergne-Rhône-Alpes, deux candidats – le Président sortant, Laurent Wauquiez, et l’une des ses opposantes Najat Vallaud-Belkacem, et pour resserrer encore la focale de l’analyse, je me suis concentré sur deux de leurs vidéos, représentatives de leur problématiques. Il me revient maintenant de vous démontrer que cet abrégé, ce microcosme, produit un résultat intéressant – spoiler : ça ne sera pas celui des prochaines élections présidentielles.
La mise en scène
La vidéo de Laurent Wauquiez a été réalisée sur le principe « j’ai fait ça tout seul chez moi avec ma webcam ». C’est le triomphe de la simplicité. Pas d’habillage graphique sophistiqué mais une authentique spontanéité car ces images ont été extraites d’un live sur Facebook puis sous-titrées. Apparemment c’est tourné chez lui : quelques corbeilles, des fleurs des champs, un décor à la fois intime et minimaliste. Son expression est excellente, claire, sans euh euh ou autres scories du langage. Il a un talent indéniable.
Celle de Najat Vallaud-Bekacem emprunte au genre journalistique du reportage sur le terrain : visites, rencontres, meeting. Elle est fluide, rythmée, avec beaucoup de plans de coupe pertinents. Une vraie qualité d’image, un graphisme original et réussi servent au mieux une candidate très charismatique.
Affronter ses points faibles
Si Laurent Wauquiez choisit la simplicité, c’est sans doute qu’il a connu dans le passé quelques déconvenues pour en avoir trop fait et surtout pour avoir trop affiché son ambition. Il met donc plutôt l’accent sur sa sincérité et ses convictions profondes. Paradoxalement, dans cet exercice, il est peut-être trop bon ou disons qu’il surjoue le bon garçon, au risque d’introduire un doute.
Ce n’est pas dans sa communication qu’on va trouver le point faible de Najat Vallaud-Belkacem.
C’est surtout le statut du PS dans l’échiquier politique aujourd’hui qui est problématique. Peut-il encore incarner l’alternative ? – c’est d’ailleurs le nom officiel de la liste – statut qu’il a perdu lors des élections précédentes.
Ces partis pris : réussir à incarner la franchise ou réussir à incarner l’alternative sont pareillement décisifs pour la suite de la carrière de nos protagonistes.
Rhétorique et idéologie
Le parallèle entre les deux vidéos a aussi l’intérêt de la symétrie des formes. Il et elle usent tous deux de la même technique de réappropriation d’un thème du camp adverse.
Laurent Wauquiez donne sa propre version du Développement durable et Najat Vallaud-Belkacem précise ce qu’elle entend par SécuritéS. Pour l’un le développement durable comprend l’environnement mais aussi la dette publique, la sécurité et la pérennité de l’identité nationale. Étrangement, le réchauffement climatique n’est pas mentionné.
Pour l’autre, le S s’impose quand on parle de sécurité car il faut ajouter à son sens habituel la sécurité de l’emploi, du logement, de l’éducation, etc.
Sous nos yeux, se déroule une bataille rhétorique au moins digne de Gramsci. Elle s’inscrit dans un combat idéologique et culturel plus vaste et la famille politique qui en sortira victorieuse pourra imposer sa description de notre société. Laquelle de ces définitions perdurera ? Najat Vallaud-Belkacem et ses partisans parviendront-t-ils à desserrer l’étreinte des thèmes sécuritaire sur la vie politique ? Le réchauffement climatique continuera-t-il à passer inaperçu auprès des partisans de Laurent Wauquiez ? Il faudra patienter bien après l’échéance de juin 2021 pour le savoir !
Cet article est publié dans la lettre Compol N° 157 datée du 18 juin 2021
laurent jauffret 