Ma chronique mensuelle consacrée à la communication politique et la vidéo, publiée dans ComPol / CourrierCAB, lettre d’information consacrée à l’univers des directeurs de cabinets et des décideurs des politiques publiques.

Cette année, les vœux étaient un casse-tête. Voici venu le temps de débriefer.
Tout d’abord, il n’y avait pas moyen de resservir les formules éprouvées. Un banal « bonne année, bonne santé » et, dans un coin de notre cerveau, apparaissait l’image de Jean-Pierre Bacri répondant avec sa moue désabusée « ah ouais, vous êtes sûr ? ».
Deuxième problème, Covid oblige, pas question d’utiliser la salle des fêtes pour le discours traditionnel du Maire ou de la Députée. Heureusement, une solution s’est imposée très vite : faire une vidéo. Et en fait, c’est là que les difficultés ont commencé… mais reprenons les choses depuis le début.
Rite incontournable
Les cérémonies de vœux constituent un rite incontournable de la vie politique, associative, économique, familiale… Certains jugent que c’est une convention fastidieuse, hypocrite, dénuée de sens. D’autres au contraire, que c’est l’occasion de marquer notre attachement à nos proches, notre respect pour les institutions et notre appartenance à une même communauté.
Qui a raison ? C’est surtout affaire de circonstances !
A la salle des fêtes l’an dernier, le discours était peut être plus ou moins réussi mais les invités qui avaient pris la peine de venir, constituaient un public naturel, consentant et à peu près attentif. Pour eux, ce moment avait forcément du sens parce qu’il couronnait des relations cultivées durant toute l’année.
Le même type de discours, face à la caméra et diffusé sur les réseaux sociaux produit un tout autre effet. Impossible de savoir qui va le regarder au bout du compte. Les invités habituels ont-ils répondu à l’invitation Facebook ? Ce n’est pas garanti. Et de parfaits inconnus se sont glissés dans l’assistance invisible. Sous leurs regards et leurs commentaires, les formules paraissent creuses et la sincérité douteuse. Et on a beau s’appeler Anne Hidalgo ou Valérie Pécresse, l’épreuve est laborieuse.
C’est toute la difficulté du passage du présentiel au distanciel. Les discours de vœux sont peut-être particulièrement exposés lors de cette transmutation. Leur coté forcément conventionnel auquel tout le monde s’était habitué, ne passe plus à l’écran.
Fin de partie ?
Pour surmonter cette difficulté, certains élus ont choisi d’innover radicalement.
Dans ce registre, la réponse d’un Député d’Ardèche est originale et intéressante. Il s’agit d’une véritable mise en abyme du discours de vœux. Hervé Saulignac, s’est fait filmer en train, non pas de prononcer mais d’écrire son discours. Alors que les mots s’affichent sur l’écran de son ordinateur, sa voix intérieure les commente. On le voit peiner devant sa feuille blanche, grimacer devant les clichés qui se bousculent spontanément dans son esprit, déjouer les pièges du politiquement correct et énumérer les passages obligés d’un discours de vœux traditionnel.
Ce discours sur le discours (metadiscours en langage cuistre) produit l’effet réjouissant d’une caricature réussie. De plus, il présente l’élu de façon avantageuse, avec une belle dose d’humour et d’autodérision.
Le seul problème de la démarche est qu’après avoir dynamité les vœux traditionnels, Hervé Saulignac aura du mal à revenir au statu quo ante. Najat Vallaud-Belkacem ne s’y est pas trompée en commentant sur Twitter cette performance d’un « il a tué le game ».
Pourtant, la mauvaise interprétation de cette séquence serait de conclure qu’il ne faut pas faire de vœux en vidéos.
Comme dans le film, « Sexe, mensonges et vidéo » de Steven Soderbergh, la vidéo révèle la vérité sous les apparences et oblige à se remettre en question. En fait, la réflexion sur le bon usage de ce média ne fait que commencer.