Cette interview est parue dans Compol Courrier CAB lettre d’information consacrée à l’univers des directeurs de cabinets et des décideurs des politiques publiques.
Laurent Jauffret, fondateur de Stratégie & langages, propose d’accompagner les élus dans leur stratégie de communication jusqu’à l’écriture vidéo. Un format qui n’en est qu’à ses débuts, dit-il, et qui recèle de nombreux avantages.
Vous êtes une «plume» et vous conseillez dans l’écriture vidéo. Pourquoi ?
Existe-t-il un meilleur moyen pour se présenter, pour établir un contact, pour convaincre que de s’adresser directement à ses interlocuteurs, face à la caméra ? Oui ! Bien sûr : s’adresser à eux individuellement dans une vraie rencontre, face à face, les yeux dans les yeux. Mais ce type de rencontre ne peut se multiplier à l’infini, alors qu’avec une vidéo, il est possible, grâce aux réseaux sociaux, d’atteindre des milliers (des millions ?) de personnes. C’est un moyen qui est encore relativement peu utilisé par les élu·e·s et dirigeant·e·s, du moins en France. Certes, Barack Obama avait institué un message vidéo (sa weekly address) dès les débuts de son mandat, il y a bientôt douze ans ; il y a quelques jours seulement, le garde des Sceaux se lançait dans ce même exercice sur Facebook, mais cela reste des exceptions alors que, finalement, c’est à la portée de chaque élu·e local·e. Mon analyse comme mon intuition me disent que c’est en train de changer. C’est l’un des effets de la crise de la Covid-19.
Nombreux sont les élus qui ont «bricolé» avec leur cabinet des pastilles vidéos pour s’adresser à leurs administrés pendant la crise. Qu’est-ce que cela peut apporter ?
Le confinement a été un déclencheur : comment pallier l’impossibilité de rencontres physiques ? C’est ainsi que les conférences zoom et les pastilles vidéos ont remplacé réunions et discours. Ils ont pu à cette occasion se rendre compte des possibilités de ce média : réactivité, proximité, et également toucher du doigt certaines difficultés.
En effet, c’est un exercice qui est plus ou moins naturel suivant les tempéraments. La première expérience peut aussi être ratée faute d’une bonne préparation et d’un bon encadrement.
Certains ont « copié » le style « amateur » que l’on trouve parfois sur les réseaux sociaux (cadrage hasardeux, son approximatif, etc.). Faut-il tout changer ?
C’est vrai qu’on a vu des choses un peu approximatives sans que l’on sache si ça relevait vraiment d’un effet de style… Parfois, certaines qualités sont appréciées sur les réseaux sociaux pour des raisons paradoxales, comme la spontanéité rafraîchissante ou la maladresse touchante. Mieux vaut ne pas trop compter là-dessus quand on est un·e élu·e. En revanche, en situation exceptionnelle comme celle du confinement, les citoyens pardonnent volontiers les imperfections techniques pour peu que le discours soit utile. C’est surtout le manque d’information ou les messages contradictoires qu’ils vont reprocher aux élus·e·s dans ce genre d’occasion extrême.
Quel est le “plus” d’une séquence vidéo écrite spécialement pour ce format ?
J’ai envie de dire que toutes les réponses figurent dans la question : la séquence est écrite, c’est-à-dire que chaque mot est choisi avec soin, sur des critères d’efficacité, de précision, de concision, de style. Et spécialement pour ce format, cela veut dire qu’on va adapter le discours au média vidéo, en termes de rythme, de durée, de ton, d’interprétation. Attention, il ne s’agit pas de modifier le fond du discours. C’est bien de forme dont je parle. Mais la forme ce n’est pas seulement le cadrage, l’éclairage ou les animations en motion design. L’essentiel, et ça n’a pas changé depuis Cicéron, ce sont les mots, le sens qu’ils portent et les émotions qu’ils transmettent.
PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRÔME VALLETTE