Tiktok, les jeunes, la communication…Voilà le sujet lancé, et mine de rien, c’est du lourd…
Oui car derrière cette accroche, il y a un vrai problème de société : celui de notre (parfois très) grande difficulté à communiquer avec les jeunes.
Quand je dis, nous, je veux dire nous les communicants, ou plus simplement, nous les adultes confrontés aux adolescents (disons de 12 à 22 ans pour faire bonne mesure).
Est-ce que je noircis le tableau ? Combien de SMS vous faut-il envoyer à votre fils pour qu’il daigne répondre ? Ou plus sérieusement, ne croyez-vous pas que la com publique n’est pas particulièrement performante quand elle s’adresse aux jeunes ?
Des exemples ?
Les campagnes anti-tabac commencent peut-être à porter leurs fruits mais il a fallu cinquante ans.
En revanche, pour la participation aux élections, le résultat est clairement mauvais. L’érosion du vote des jeunes continue. Rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Alors bien sûr, pas question de faire porter à la communication publique la responsabilité des difficultés de toute la société. Ces exemples ne sont là que pour mettre le doigt sur un maillon faible de la transmission entre pouvoirs publics et citoyens. Chaque tentative pour y remédier mérite attention, voire encouragement. C’est ce que je vous propose de faire à partir de l’examen d’une vidéo publiée en novembre sur le compte TikTok nouvellement créé de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation.
Le dispositif de la vidéo est remarquable de simplicité. Pas de générique mais une entame directe. Pas de mise en scène ou de post production en dehors d’un montage nerveux -cut sur tous les temps morts – d’un sous-titrage et de quelques incrustations en illustration. Pas de cravate enfin et tutoiement de rigueur.
Il y a un vrai message à défaut d’un vrai scoop : Gabriel Attal annonce que le harcèlement scolaire est la grande cause de son ministère. Il prévient aussi les élèves que deux heures seront prochainement consacrées au sujet et qu’un questionnaire à choix multiple leur sera proposé par leurs enseignants.
Il avance pour justifier ce QCM la nécessité d’actualiser les données sur cette question, qui dateraient d’avant l’arrivée de TikTok et Snapchat. Il conclut sur l’urgence de #FaireFace au fléau du harcèlement. le tout en 1’ 46’’.
Premier constat : l’atterrissage du Ministre sur la plateforme s’est bien passé. En 10 jours et deux vidéos il a décroché 17 000 abonnés et fait 2,7 millions de vues.
Deuxième observation : on peut s’interroger sur ce principe de questionnaire. Pour recueillir de l’information sur une population, il existe principalement trois méthodes. La première s’appelle le doigt mouillé. Par exemple, un ado de ma connaissance m’a confirmé que dans son lycée « tout le monde était sur TikTok » (mais pas lui, zut !). La deuxième consiste à faire des sondages avec les méthodes scientifique de la statistique. L’échantillon est notablement plus important. La troisième vise à l’exhaustivité. Le questionnaire est général. L’exploitation des résultats est compliquée. Sauf à y consacrer des moyens considérables, la majeure partie des réponses collectées ne sera sans doute jamais dépouillée.
En revanche, tous les élèves auront eu l’occasion de constater que le ministre, le ministère, les profs, bref les adultes, s’intéressaient assez à cette question pour recueillir leur expérience.
Cet aspect, moins évident que les millions de vues sur TikTok est sans doute le véritable point fort de ce dispositif de communication.
Cet article a été publié originellement dans le magazine Brief N° 113 de décembre 2023
laurent jauffret 