Nos concitoyens savent-ils vraiment tout ce que nous faisons pour eux ? » Si vous êtes un ou une élu.e ou encore collaborateur.trice d’élu.e, vous avez identifié cette petite chanson, peut-être même l’avez-vous déjà entonnée.
Il existe un sentiment tenace chez beaucoup de ne pas être reconnu dans leurs combats quotidiens, parfois homériques, pour obtenir tel aménagement, telle rénovation, tel cofinancement.
La tentation est grande alors de convoquer le service communication de la collectivité pour qu’il fasse savoir à toute force aux administrés l’étendue du sacerdoce des élus. Quel meilleur moyen pour cela qu’une vidéo virale sur les réseaux sociaux ? Et hop, nous voilà embarqués pour une petite étude de cas.
Le sujet
Elio Di Rupo est un acteur majeur de la vie politique belge de ces dernières décennies. Il a été Premier ministre de Belgique et est aujourd’hui ministre-président de Wallonie. On peut également signaler son goût affirmé pour les nœuds papillon et son talent reconnu pour la communication.
L’objet
Il s’agit d’un clip vidéo de moins d’une minute. Un pont risquait de s’effondrer l’an dernier en Région wallonne mais une réparation a pu être effectuée à temps. La structure métallique a été démontée et remontée. Un drame a peut-être été évité. Bien.
Les explications sont dans les tweets, car la vidéo est sans parole . Elle est en revanche dotée d’un gros son de basses techno. Le site des travaux est montré vu du ciel (option drone) ; une année passe en 15 secondes et les nuages font la course (option timelapse). Lors de la visite de chantier, Elio Di Rupo, manteau noir et longue chevelure aile de corbeau, se détache bien dans la neige assortie à son écharpe et ses gants blancs. D’autant mieux qu’il est filmé au ralenti (option 60 images/ seconde) façon Peaky Blinders. D’ailleurs, l’ensemble ressemble pas mal au générique d’une série Netflix.
Du coup, le spectateur s’interroge, tant sur le but poursuivi que sur les moyens employés : tout cela est-il sérieux, légitime, efficace ? La réponse se doit d’être nuancée : Elio Di Rupo peut se permettre ce genre d’excentricité un brin narcissique. Il cultive depuis longtemps sa singularité et cette vidéo n’est pas trop dissonante par rapport à sa communication habituelle. Et puis après tout, à 69 ans, son flow est intact.
La question suivante est bien sûr de savoir s’il s’agit d’un modèle dont chacun pourrait s’inspirer. Cette fois, la réponse est sans nuance : non, absolument pas !
L’alternative
Elio Di Rupo n’a fait que pousser un peu plus loin les conventions d’un genre balisé par d’autres. Il a coché chacune des options d’effets à la mode proposées par son vidéaste. C’est un peu comme répondre oui à toutes les questions du serveur chez McDonald’s, vous vous retrouvez avec le gros burger, la grande portion de frites, le grand soda et une probable indigestion.
Dans un tweet récent, la députée new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez (via Kéliane Martenon) interrogeait ses abonnés sur ce qu’ils espèrent des membres du Congrès via les réseaux sociaux. Voici quelques-unes des réponses de ce sondage sans aucune prétention scientifique : honnêteté, authenticité, dialogue, dialogue en Live, explication des actions et des votes, écoute… Les électeurs new-yorkais sont peut-être très différents des électeurs wallons… ou peut- être pas. Mon intuition me dit cependant que le bon usage de la vidéo est plutôt celui d’un dialogue, le plus direct, le plus honnête possible entre élus et électeurs.
C’est simple à énoncer, un peu plus difficile à mettre en œuvre, mais l’usage de drones n’est en rien nécessaire pour y parvenir.